Conference Invitation & Call for Papers : Annual workshop “From word to concept”: VALUE Grenoble (France), 2011 June 30th - July 1st
The L.S.E. (Educational Sciences Laboratory, Université Pierre-Mendès-France) organizes its 7th annual workshop “from word to concept”, in Grenoble (France) the 30th of June and the 1st of July 2011.
Conference Invitation & Call for Papers
Annual workshop “From word to concept”: VALUE Grenoble (France), 2011 June 30th - July 1st
The L.S.E. (Educational Sciences Laboratory, Université Pierre-Mendès-France) organizes its 7th annual workshop “from word to concept”, in Grenoble (France) the 30th of June and the 1st of July 2011.
This year, the workshop will take interest in the word “VALUE” (in French “VALEUR”). Proposal summary of 1000 signs should be addressed by email to Jacques Baillé, Alain Fernex or Gwénaëlle Joët before the 15th of April 2011.
Best regards,
Jacques Baillé, Alain Fernex & Gwénaëlle Joët
Jacques.Baillé@upmf-grenoble.fr
Gwenaelle.Joet@upmf-grenoble.fr
VALEUR
Cadre général :
- le séminaire se tiendra cette année dans les locaux de l’université Pierre-Mendès-France à Grenoble, les 30 juin et 1er juillet 2011,
- le travail du (sur le) mot, dans divers domaines où il est en usage, déterminera son statut épistémique, eidétique et phénoménal : cadre formel pour l’explication, élément de description, substitut métaphorique à l’explication, phénomène psychosocial, donnée technologique, artefact, etc. (cf. document attaché),
- l’approche théorétique sera favorisée,
- heureusement complétée par des recherches empiriques particulièrement éclairantes ,
- la langue de travail est le français mais d’éventuelles contributions de collègues étrangers pourront aussi être présentées en anglais ou en espagnol ,
Organisation du travail :
- il s’agit d’un séminaire classique de travail et d’étude. Cela signifie que l’organisation du travail favorisera la présentation, la discussion, la confrontation d’idées et d’arguments en vue de la production d’un ouvrage,
- la durée des exposés de type conférence est de 40 minutes ; celle requise pour la présentation de travaux en cours est de 20 minutes,
- un comité d’édition, sous la direction de Jacques Baillé, a pour fonction la sélection et la programmation des contributions,
- les projets d’intervention doivent être adressés par courriel soit à Jacques Baillé, Alain Fernex ou Gwénaëlle Joët, avant le 15 Avril 2011, sous forme d’un résumé de 1000 signes maximum,
- le nombre maximal de communicants est de 14. Celui des participants est limité à 70. Ainsi, chacun pourra assister à tous les exposés et participer aux débats. Il n’y aura pas d’ateliers séparés.
L'appel (en français) est donné à la suite.
Il est fait grand usage, dans le verbe contemporain – qu’il soit politique, économique,
social, éducatif, juridique, sportif, religieux, technique et scientifique – du mot valeur. Ainsi,
la fréquence des invocations de « valeur », plus souvent pour en déplorer l’abaissement et
l’effacement que pour en célébrer l’empreinte positive, renvoie-t-elle à une grande
hétérogénéité des domaines d’application. Mais, en forme de première question, une telle
extension s’accorde-t-elle à une diversité de sens et de significations du mot, ou bien une
acception unique en subsume-t-elle l’usage dans une grande variété de contextes ?
Cette question, dont on veut croire qu’elle fera l’objet d’une réflexion durant le
séminaire, s’accorde assez mal à l’air du temps qui fait du relativisme la modalité dominante,
sinon exclusive, du discours moral et politique contemporain. Ce n’est pas pour rien que le
mot valeur prend si aisément le pluriel pour prononcer l’irrémédiable séparation entre pays,
régimes politiques, périodes de l’histoire, activités, bref entre humains. Sous la forclusion du
« nous n’avons pas les mêmes valeurs », l’universel le cède aux particularismes en sorte que
la proclamation de l’indiscutable différence conduise au désintérêt, à l’inattention ou, ce qui
revient au même, au culte, souvent trop visible pour être honnête, de l’altérité. Sur le plan
individuel, les conflits entre ces deux genres de valeurs, les abstraites universelles et les
concrètes particulières, dont parlait Camus, se concluent par de faciles accommodements.
Qu’importent les enjeux : chacun, toujours, dégotera dans son trousseau moral quelque
bonne raison de s’arranger.
Certes, les bonnes raisons paraissent étrangères à la première acception de valeur qui,
appliquée à l’humain, concerne l’audace, le mérite, le courage. Parler d’un homme, d’une
femme de valeur, dire d’une personne qu’elle a de la valeur, revient à en distinguer le
caractère, les dispositions physiques et cognitives et, sans reléguer les autres, à célébrer son
« génie propre » selon la formule de Lavelle. Mais, à l’époque du management généralisé, de
la conversion de la haute distinction antique en estimation de « compétences », ce type
d’évaluation doit aussi composer avec l’activité de comparaison que diverses doctrines
considèrent comme l’un des moteurs des conduites effectives de domination-sélection (à
l’école comme dans la société). Cette simple remarque revient à lancer le débat sur les
jugements, sur leur fabrication ; sur les valeurs qu’ils portent ou visent dans un monde qui
obéit aux réquisits de la compétitivité.
L’extension de l’évaluation-gestion à toutes les sphères du politique favorise le
pullulement de responsables, de consultants, d’experts, bref le déploiement d’un clergé en
charge d’indiquer le nouveau bien par un discours supposé motivant, i. e. construit à partir
d’un lexique à tonalité technique, apte à se convertir en valeur subjective pour alimenter et
orienter l’action. Le procès de laïcisation, s’il doit se poursuivre, devrait s’orienter vers
l’examen de tous les corollaires à cette valeur qui forment un lexique au sein duquel on
trouvera, parmi quelques autres, les emblématiques « incontournable », « complexe »,
« flexible», «réactif » ; lexique qui s’accorde parfaitement à l’édification du commun par la
glorification de « miracles économiques » ; lexique complété, enfin, par ces brèves formules
jargonnantes qui mêlent langues étrangères et langues savantes et contribuent, désormais,
au prononcé du mystère, comme il en allait du latin pour l’humble chrétien d’avant
Vatican 2.
Comme pour fortifier, s’il en était besoin, ce « novlangue », l’appétit contemporain de
l’évaluation conduit les procédés calculatoires et formels à asservir, voire à absorber, la
phase d’interprétation au point que les critères formels de vérité ou de cohérence appliqués
aux modèles exhaussent la validité au rang de valeur. S’agit-il d’un simple avatar du
« gestionnisme » qui, du chiffre, fait sa « nouvelle référence souveraine » selon Legendre ?
Plus largement, s’agit-il seulement d’une vieille question académique ou comment tirer d’un
résultat issu d’un raisonnement comme d’un calcul, des jugements de valeur ? La relation
entre validité (Geltung) et valeur (Wert) dans la réflexion des néokantiens, depuis le milieu
du XIXe siècle (Lotze et sa suite), confirme le primat de la raison pratique conduisant
conjointement à une critique de la morale et à l’affirmation de ce qui « vaut » en tant que
connaissance. Cette dernière modalité du savoir non empirique équivaut à l’affirmation
d’une vérité sans égard au temps (vérité qui donc n’a rien à voir, ni à faire avec la
psychologie). Le poids des valeurs économiques (celles dites objectives surtout) fait que l’on
a négligé cette dichotomie de « l’étant » et du « valant ». Le séminaire pourrait s’efforcer de
reprendre cette question, encore aussi largement occultée que celle de « l’équivalence ».
On serait également en droit d’attendre d’un retour sur l’histoire de la notion de valeur
qu’il s’ouvre à des problématiques encore vives. Par exemple, peut-on distinguer dans les
jugements évaluatifs ce qui relève du factuel et ce qui serait susceptible de relever d’une
conception épurée ou transcendantale de la valeur ? Sans doute, une voie serait de
considérer avec Hare la sous-classe des constats fonctionnels. Ici encore, la question n’est pas
que d’école : elle intercepte le vaste problème des normes, de leurs variations (règles de
l’immutabilité, crise et renouvellement) et du rapport à celles-ci (soumission et clairvoyance).
Avec son système de buts, l’analyse fonctionnelle indique comment l’objet ou la situation
fonctionnent, normalement ou non, au regard du résultat attendu, et de fait inclut la
technique dans la problématique de la valeur, en particulier dans le champ des rapports de
l’invention à l’innovation. L’ingénieur aura ici son mot à dire.
Enfin, on rappellera que, dès son apparition dans le discours philosophique, le mot
valeur a été associé à la notion d’utilité par Adam Smith, même si cet auteur, en poursuivant
dans la voie déjà ancienne de la recherche d’une théorie objective de la valeur, n’a pas
conduit l’association jusqu’à son terme. On devra, au cours du séminaire, s’intéresser aux
nombreux travaux et débats que « l’économie politique » a consacrés à la notion de valeur.
Les questions sont multiples. Faut-il imputer à la généralisation de l’argent en tant
qu’équivalent universel, comme le propose Simmel, la transformation de la perception des
valeurs ? La valeur, pour un individu, est-elle attachée aux propriétés de l’objet ou résulte-t-
elle, à l’inverse, de la comparaison qu’il opère entre l’utilité d’un objet (le désir que celui-ci
crée) et celle d’un autre objet ? Même si des variables relatives aux attitudes, aux processus
subjectifs de jugement, de choix et de préférence interviennent alors, force est de constater
que, jusqu’au marginalisme, la théorie économique a privilégié la première formulation,
faisant de la valeur un attribut ou une propriété de l’objet. Est-il possible enfin, comme
semblent l’indiquer certaines recherches actuelles, de se dispenser de toute théorie de la
valeur ?
Si l’idée a longtemps précédé le mot (et d’abord comment ne pas penser à Platon ?), c’est
seulement depuis le XIXe siècle que la valeur possède sa « science », l’axiologie. Toutefois,
une telle consécration reste très discutée et, refusant à l’axiologie la qualité de nomothétique,
d’aucuns la récusent comme science. Or, d’une part, le triptyque « expliquer, comprendre,
interpréter » se saisit de la valeur comme d’un concept opératoire pour une science de la
culture (Rickert) et, d’autre part, la place du sens dans la détermination de la valeur confère à
quelques sciences comme les linguistiques, les logiques et les mathématiques, un rôle non
négligeable dans l’élaboration ou la mise à jour d’une théorie de la valeur. On devrait donc
entendre quelques représentants de ces disciplines de l’esprit nous indiquer comment parler
rationnellement de valeur tout en nous montrant comment ils respectent l’impérieuse
Wertfreiheit de Weber.
Devant les vastes questions qui surgissent à l’énoncé du mot valeur et dont ce texte ne
donne qu’une faible et imparfaite idée, le débat qui doit s’engager répond à une urgente
nécessité, celle d’interpeller les tièdes consensus de l’époque, les bons sentiments et l’action
humanitaire qui tiennent lieu d’action politique et de morale. A leur encontre, comment ne
pas évoquer une « tyrannie des valeurs » (Carl Schmitt) ? Tyrannie de plus en plus douce,
mais toujours tyrannie ! Pourtant, au regard de toutes ces prétendues valeurs au nom
desquelles s’engagent si communément le bien penser et le bien agir contemporains, il n’est
que temps de reprendre l’âpre labeur de l’étude, fût-ce pour ne plus avoir à seulement
proclamer, face aux maîtres et parents exténués ainsi qu’aux nouveaux décideurs, l’urgente
nécessité d’une nouvelle grille de valeurs dont Nietzche annonçait, il y a déjà longtemps,
l’émergence.